Comme tout le monde, j'imagine, je suis confronté au choix entre l'accord au féminin ou au masculin pour les adjectifs accolés à deux noms, l'un féminin, l'autre masculin. Vais-je traduire "important issues and questions" par :
(1) enjeux et questions importants
(2) questions et enjeux importants
(3) enjeux et questions importantes ?
A priori, je ne choisis pas (1) car je trouve vraiment phonétiquement choquante la juxtaposition "questions importants".
Si j'écoute l'Académie, elle me dira de résoudre le problème en choisissant (2). Mais il n'est pas toujours satisfaisant d'inverser l'ordre de deux noms.
Si j'écoute encore l'Académie, elle me dira aussi que (3) est hors de question. Pourtant ce choix de l'accord de proximité est phonétiquement satisfaisant, a déjà été utilisé dans le passé et revient en force de nos jours. Malheureusement, je n'ose pas l'utiliser car je crains que l'équipe des "reviewers" de Gengo me sanctionne pour non-conformité aux règles de grammaire.
Avez-vous une opinion sur ce problème, modeste, mais qui est lié à ceux plus importants de la féminisation des noms de métier ou de l'écriture inclusive ? Avez-vous déjà eu des retours des reviewers à ce sujet ?
Merci !
6 comments
Voilà une question bien pertinente.
Pour moi (JA>FR), j'essaie souvent de contourner lâchement le problème en choisissant deux substantifs de même genre (je ne connais pas le contexte ici mais par exemple : "enjeux et problèmes" ou "difficultés et questions").
Mais je viens également de contourner la question. Allez, entre les grands mouvements civilisationnels (3) et les préférences des reviewers (2), il faut trancher !
J'avoue que ces questions de genre tout droit venues de l'univers anglo-saxon me fatiguent beaucoup, de même que l'écriture inclusive, de même que la féminisation à toute force de tous les noms de métier. Un docteur peut être homme ou femme, un écrivain aussi, de même qu'un peintre... bref, pourquoi s'acharner à faire de la langue un objet si précisément orienté dès lors qu'il s'agit de départager le féminin du masculin ? Cette tendance me semble ramer à contre-courant de la bénéfique lame de fond du combat des femmes pour l'égalité. Avant d'être homme, avant d'être femme, nous sommes, tout simplement, et nous avons la chance de disposer dans notre grammaire d'un genre reposant qui nous permet de le dire, un genre qui nous englobe tous et chacun dans la même condition humaine.
Je me suis bien gardé de parler d'écriture inclusive ou de féminisation des noms de métier – même si j'en aurais eu envie – vu le caractère polémique de ces sujets. L'accord de proximité, c'est autre chose pour moi : faire prédominer le masculin à tout prix conduit ici à des formulations que je trouve peu élégantes ou peu naturelles. En outre, contrairement par exemple à l'écriture inclusive, cette règle d'accord n'est pas une invention moderne puisqu'elle a déjà été pratiquée dans le passé, jusqu'au XVIIIème siècle). L'adopter serait donc un retour à une tradition ancienne et devrait satisfaire les conservateurs et les modernes, non ?
C'est vrai, d'ailleurs je l'applique moi-même spontanément sans y faire attention, cette règle de proximité, même si effectivement j'ai peut-être inconsciemment tendance, en contexte professionnel, à contourner la difficulté en changeant l'ordre des mots ou en unifiant le genre. Le problème est que nos "language specialists" ont sans doute chacun leur avis personnel sur cette question.
L'unification du genre me semble une option éventuellement timorée mais efficace car, en reprenant l'exemple initial, "enjeux et questions importantes" implique - dans le cas d'un lecteur aux lunettes académiciennes - que les enjeux ne sont pas qualifiés comme "importants".
Juste, mais théorique. Un français ne laisserait pas des enjeux orphelins de toute qualification ici. S'il voulait le faire, il choisirait une formulation de type « ... un problème qui soulève un certain nombre d'enjeux, ainsi que des questions importantes… ».