Aujourd’hui, je tenais à vous parler du petit plus qui fait qu’une traduction ressort du lot. Il s’agit d’un objectif à avoir en tête, voire même parfois d’un état que l’on atteint lorsque tout semble clair et fluide et qui nous échappe lorsque le texte est obscur et dense à nos yeux. Je veux parler ici du fait de se détacher du texte. Oui, vous savez, le fameux « traduisez le sens, pas les mots ». Tout un art !
J’aime beaucoup la description que fait Tim Gutteridge de la traduction :
« Translation is a very practical activity: it involves making judgements about the meanings and connotations of a text and deciding on the best way to convey these into another language. A good solution for one problem in one situation may well be a terrible solution when applied to an apparently similar problem in a different situation. »
Comme le dit bien Tim Gutteridge dans l'article susmentionné, « traduire le sens » ne signifie pas redonner le sens premier de chaque mot mais rendre le style, le registre, le ton et toutes les connotations qui peuvent graviter autour du texte. Alors, bien évidemment, il y a une part de subjectivité dans tout cela, mais le contexte est le levier principal nous permettant d’arriver aux bonnes conclusions. Le « bon sens » ;-) est aussi notre deuxième allié.
Nous ne sommes jamais à l’abri d’une erreur de jugement, mais nous pouvons souvent « sentir » le ton du texte, déduire un sens, une intention qui se cache derrière la phrase écrite.
J’illustrerai ce propos par deux exemples très concrets. Cette semaine, j’ai procédé à une relecture des instructions d’un jeu consistant à construire des tours (pouvant mesurer jusqu'à 1,5 mètre et plus) avec des blocs en bois. L’anglais disait :
Protect playing surfaces from being dented by falling blocks.
La proposition du traducteur était :
Protégez les surfaces de jeu pour éviter des éclats causés par la chute des blocs.
On voit clairement que des efforts ont été déployés pour se départir du texte d’origine et essayer de formuler une phrase qui se lit naturellement en français. Le traducteur n’a pas choisi de dire que les surfaces pouvaient être cabossées comme pourrait le suggérer une quelconque recherche dans un dictionnaire. Toutefois, le mot « éclats » ne convenait pas non plus, ce n’est pas ce que dit l’anglais ; ici, ce sont les surfaces de jeu qui sont affectées et qu’il faut protéger. Le traducteur a dû faire une association « chute des blocs/sécurité = éclats ». Le contexte nous aidait grandement ; il est facile d’imaginer des blocs tomber au sol et rendre la surface de jeu irrégulière, pouvant provoquer des chutes. Il aurait donc été plus juste de dire :
Protégez les surfaces de jeu pour éviter que des trous ne se forment à la suite de la chute des blocs.
Autre exemple :
We develop new ideas, always striving for excellence in service in order to always exceed expectations.
On y remarque la présence de « always » répété à deux reprises et un style marketing évident. Dans ce domaine, il faut s’assurer d’aller droit au but tout en adoptant un style clair et accrocheur. Le rythme y est très important. J’ai choisi d’écrire :
Nous mettons au point de nouvelles idées, cherchant à atteindre l’excellence dans chacun de nos services afin de toujours dépasser les attentes.
Le premier « always » a été remplacé par « chacun de nos services » pour éviter la répétition disgracieuse « toujours/toujours ». La phrase est dynamique et respecte l’idée de professionnalisme qu’a voulu véhiculer l’entreprise (les mots « new », « excellence », « exceed expectations » nous orientent sur ce point). Aucune théorie n’aurait pu justifier ce choix ; ici, seuls la déduction et le bon sens peuvent nous guider.
Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous d’accord avec ce qui est exprimé dans cet article ? Avez-vous des exemples à partager ? :-)
Merci !
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1 comment
Quid de cette alternative "Protégez les surfaces de jeu pour éviter les dommages dus à la suite de la chute des blocs." ?
Mais vous avez parfaitement raison, la traduction n'est pas un simple exercice de transposition, en premier lieu, il y a la traduction pour restituer l'idée et ensuite viennent la forme, le ton, la ponctuation pour affiner celle-ci.